« Je ne sais pas comment respirer durant mes exercices ».
Cette question est souvent posée. Il est vrai qu’au travers le geste respiratoire, « celui que nous faisons pour respirer […] se cache un geste furtif, si intimement lié à notre vie que nous ne le reconnaissons souvent pas. » (Calais-Germain, 2014). D’autant que selon votre tempérament (que vous soyez calme, dynamique ou stressé(e)); que vous inspiriez ou que vous expiriez durant les différentes phases d’un mouvement, l’impact et le ressenti diffèrent. Dès lors, il est intéressant d’effectuer des exercices favorisant la respiration ventrale et l’ouverture de cage thoracique, comme nous allons le voir. Car savoir bien respirer, ça se travaille.
Petit rappel anatomique et physiologique
Par définition chez l’être humain et d’une manière simplifiée, la ventilation pulmonaire communément appelée la respiration* est un mécanisme constitué d’une phase inspiratoire et d’une phase expiratoire permettant :
- les échanges gazeux entre l’Homme et son environnement (absorption d’O2 ou dioxygène appelé « oxygène » lors de l’inspiration et rejet de CO2 ou dioxyde de carbone lors de l’expiration) par la transformation dans les poumons du sang veineux en sang artériel (hématose)
- la diffusion de l’oxygène des poumons vers le sang et la diffusion du dioxyde de carbone du sang vers les poumons (respiration externe)
- l’apport d’O2 pour la respiration cellulaire – mécanisme permettant notamment la production d’énergie (ATP) par la dégradation de substrats (glucides, lipides et plus rarement les protéines) – par la diffusion de l’oxygène du sang vers les cellules et la diffusion du dioxyde de carbone des cellules vers les capillaires (respiration interne).
*Nous employons dans l’article le terme simplifié de « respiration » bien que physiologiquement, et pour plus d’exactitude, nous devrions parler de « ventilation ». La respiration sans autre qualificatif (interne ou externe) renvoie à la respiration cellulaire, la ventilation faisant référence à la circulation d’air dans les poumons.
D’un point de vue mécanique, le diaphragme joue un rôle moteur dans la respiration : il est le principal muscle inspirateur. Ce muscle qui a la forme d’une coupole (figure 1), est situé à l’intérieur de la cage thoracique et limite les poumons par le bas et le volume abdominal par le haut. Sa contraction, en créant une dépression dans la cavité thoracique, permet l’entrée d’air dans les voies respiratoires et les poumons. Son relâchement passif permet à l’inverse l’expiration. Chaque contraction du diaphragme initie un cycle respiratoire.
Afin de mieux comprendre le fonctionnement du diaphragme, je vous propose de visionner la première partie de la vidéo qui suit.
Dans le cas d’une inspiration profonde, le diaphragme prend appui sur la cavité abdominale. Sous l’effet de cette pression, le ventre se gonfle. C’est ce que l’on appel la respiration ventrale ou respiration diaphragmatique utilisée dans la relaxation.
A l’instar de tous les autres muscles squelettiques, le diaphragme et plus particulièrement ses cellules ont besoin d’oxygène pour vivre et permettre au muscle d’assurer sa fonction. Nous pouvons survivre quelques jours sans eau, ni nourriture mais nous ne pouvons absolument pas nous passer d’oxygène.
Pendant une activité physique, la respiration s’adapte tant à la durée qu’à l’intensité de l’effort. Elle augmente pour ajuster l’apport d’oxygène à la demande et pour maintenir l’équilibre acido-basique du sang (homéostasie). La ventilation peut-être 10 à 20 fois supérieure à la normale. De ce fait, meilleure sera la respiration, plus l’apport de l’oxygène aux muscles actifs sera optimal. A la fin de l’exercice, on observe une petite diminution brusque de la ventilation, puis un retour progressif à l’état de repos.
Constat
Comme nous venons de le voir, la respiration censée être un processus automatique et naturel, ne parait plus, chez certaines personnes, aussi coordonnée lorsqu’il s’agit de réaliser des exercices physiques. Elle peut même devenir gênante jusqu’à perturber les pratiques : blocage respiratoire involontaire ou apnée, inversion des mécanismes de la respiration, point de côté, arythmie respiratoire (…).
Les « je n’arrive pas à respirer correctement » voire « j’ai l’impression d’étouffer » en sont la manifestations extériorisées.
La respiration doit donc être entretenue et travaillée.
Objectifs
Il faut parvenir à intégrer la respiration à l’exercice. Pour se faire, il faut apprendre à coordonner les phases respiratoires aux phases du mouvement à réaliser et comprendre leurs logiques :
- L’inspiration (où comme nous l’avons vu, le diaphragme prend appui sur la zone abdominale, qui peut dès lors jouer son rôle de « ceinture ») est un mécanisme dit mécanique qui exige la participation de muscles, utile à tous les mouvements de flexions de jambes (fentes, squats) en permettant d’augmenter la pression intra-abdominale, ce qui a pour conséquence de « fixer » le bassin et de protéger le dos. Elle facilite également tous les mouvements de tirages, de grandissement et d’ouverture.
- L’expiration plutôt considérée comme un mécanisme automatique, est utilisée lors des phases de fermeture, de poussées (pompes, développés, squats, chariots …). Elle accentue l’impact d’un renforcement musculaire mettant en jeu notamment le muscle transverse en position debout ou à genou, et permet le relâchement du tonus musculaire en position allongée.
- Le blocage respiratoire (volontaire) ou apnée utilisé comme transition entre deux phases d’un mouvement complexe se retrouve dans des pratiques comme la force athlétique, l’haltérophilie … mais également dans des sports totalement méconnus chez nous comme le Kabaddi (qui veut dire « retenir son souffle » en langue hindî), sport d’équipe extrêmement populaire dans de nombreux pays de l’Asie du Sud et au Japon. La règle principale étant de retenir son souffle pour attaquer ses adversaires.
Exercices
Voici trois exercices que je préconise :
Quand les réaliser ?
Privilégiez le ressenti (inspiration diaphragmatique (profonde) et expiration abdominale (forcée)), 1 à 2 longues séries (20 à 30 répétitions) plus que la charge.
Privilégiez le ressenti (inspiration diaphragmatique (profonde) et expiration abdominale (forcée)), 1 à 2 longues séries (20 à 30 répétitions) plus que la charge.
Réalisez 1 à 2 séries de 10 à 20 cycles respiratoires (inspiration et expiration = 1 cycle) de manière lente et ressentie.
Intérêt et perspectives
En pratiquant ces exercices régulièrement ceux-ci vous aiderons :
- à gagner en aisance à la fois respiratoire, musculaire et articulaire
- à lutter contre les effets de la fatigue
- à mieux appréhender le stress lié au quotidien, à la préparation d’une compétition ou d’un examen
Olivier Allain
Sébastien Renaud, ex-préparateur physique de l’ESTAC aujourd’hui à l’Academy de l’Olympique Lyonnais (Football, Ligue 1)
« Un petit complément d’informations quand à la respiration dans l’expression de la force ou du gainage. Certaines personnes tire l’activation de leur force sur des chaînes d’inspiration et d’autres sur des chaines d’expiration (cf. approche par préférences, Volodalen). C’est en fait une caractéristique de préférence qui apparaît dans l’approche globale de leur théorie. Cyrille Gindre (Volodalen) ainsi que l’approche Action-type ont remarqué et validé que la motricité et les types psychologiques (MBTI) étaient liés. Ils ont remarqué que les personnes ayant l’indicateur T (Thinking) activaient leurs chaines musculaires grâce à la mécanique d’inspiration (inspirer + bloquer la respiration leurs donnaient plus de tonus). A l’inverse les personnes avec l’indicateur F (Feeling) activent leurs chaînes avec l’expiration. Perso, je me sens plus à l’aise en expirant sur un développé couché mais bon nombre de mes joueurs le font naturellement en bloquant leur respiration avant de pousser. Je pense qu’il est important de prendre en compte le ressenti de la personne dans la pratique. »
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Calais-Germain B. Anatomie pour le mouvement (tome 1) : Introduction à l’analyse des techniques corporelles. Désiris, 2005.
Calais-Germain B. Respiration : anatomie – geste respiratoire. Désiris, 2014.
Lundberg JO. Nitric oxide and the paranasal sinuses. Anat Rec (Hoboken), 291(11):1479-84, 2008.
Marieb EN, Hoehn K. Anatomie et physiologie humaines : adaptation de la 9ème édition américaine. Pearson, 2015.
Thiriet P. Chaîne YouTube Anatomie 3D Lyon : vidéo diaphragme, périnée, tronc-caisson et muscles intercostaux. 2014.
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Bonjour,
Bel article sur un thème trop souvent délaissé…j’aurai aimé échanger avec vous sur quelques précisions.
1/pour la musculation (non athlétique ou compétitive) globalement quelle type et phase de respiration préconisez-vous sur des patterns de tirage / poussée en phase négative et positive ?
2/voyez-vous d’autres types de respiration utiles en sports ? (hormis la respiration abdominale?)
3/auriez-vous d’autres repères bibliographiques (articles, recherches,…)que ceux cités en fin d’article ? (pourriez-vous donner plus de précision sur l’étude américaine concernant l’oxyde nitrique (parution, date)?
Au plaisir d’échanger,
Merci,
F.Attali
Bonjour Fred,
Merci pour l’article. Effectivement la respiration passe souvent au second plan, n’étant pas forcément considérée comme une priorité. Et pourtant… voici mes différentes réponses :
1/ De manière générale dans les patterns de poussée type développé je ne conçois pas de déroger aux principes physiologiques : en phase positive (concentrique) => expiration et en phase négative (excentrique) => inspiration. De la même manière que pour les mouvements de tirage vertical avec par exemple expiration forcée en toute fin de phase négative pour chercher le grandissement.
En ce qui concerne les tirages type horizontal, quelques subtilités :
– pour tout mouvement où les coudes restent dans le plan sagittal (proches du tronc) réalisé en position debout, à genoux ou assise, je demande de conserver la phase inspiratoire durant la phase positive ce qui permet en plus de faciliter le mouvement notamment l’adduction des scapulas puisque l’on cherche généralement à « ouvrir » la cage thoracique. Et l’inverse (expiration) en phase négative.
– pour tout mouvement où les coudes se retrouvent à hauteur d’épaule ou au dessus de la tête (plan frontal), que ce soit en position debout, à genoux ou assise soit je conserve le principe précédent notamment si on souhaite se focaliser sur la ceinture scapulaire pour un individu ayant des difficultés à mobiliser la zone. Sinon j’applique le même principe qu’en phase de poussée (expiration en phase positive et inspiration en phase négative) afin d’augmenter la difficulté en obligeant la mise en action des muscles de la ceinture abdominale et pelvienne ainsi que les fessiers (positions debout et à genoux) et dans une moindre mesure les lombaires (dans toutes les positions).
Pour les mouvements de flexion de jambes, comme précisé dans l’article je ne m’amuserai pas non plus à inverser les phases respiratoires autrement que ce qui est habituellement pratiqué (inspiration en phase négative et expiration en phase positive) ce qui mettrait en mauvaise posture l’individu c’est le cas de le dire.
2/ Il doit y en avoir, je mentionne celles que l’on rencontre le plus souvent. Des pratiques comme le Tai chi chuan, certains types de Yoga par exemple peuvent avoir leurs propres codes et gestes respiratoires.
3/ Cela nous renvoie à Wim Hof sur sa manière de concevoir notamment la respiration (http://www.wimhofmethod.com/pages/practice-the-method).
En ce qui concerne l’oxyde nitrique (NO) voici : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18951492 (merci d’ailleurs de me la demander, j’ai oublié de l’ajouter).
Espérant avoir répondu à vos questions. Hésitez pas en tous les cas.
OA